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Menace nucléaire, troisième guerre mondiale… L’escalade verbale russe traduit-elle un aveu d’échec?



Depuis le début de l’offensive russe de l’Ukraine, et alors que Kiev a démontré sa capacité à résister face aux forces russes, Moscou n’a de cesse de brandir de nouvelles menaces censées faire trembler les Occidentaux. Au risque de devenir inaudible.

Depuis le 24 février, la guerre qui oppose la Russie à l’Ukraine se joue aussi sur le champ communicationnel. Du côté ukrainien, le président Zelensky n’a pas hésité à mettre en scène sa mue d’acteur de série télévisée à chef de guerre, à grands recours de discours postés sur les réseaux sociaux ou de petites phrases, telle que la désormais devenue célèbre: « J’ai besoin de munitions, pas d’un chauffeur ».

Du côté russe, on a également décidé de s’adonner à de grandes déclarations publiques. Mais plutôt que de gagner les cœurs, on vise à faire trembler les esprits. Trois jours seulement après le début de l’offensive, le président russe Vladimir Poutine annonçait la mobilisation des « forces de dissuasion » du pays, brandissant indirectement la possible utilisation de l’arme nucléaire.

« Un aveu de faiblesse de la part de la structure du Kremlin »

Deux mois plus tard, les mises en garde venues du Kremlin, principalement à destination des Occidentaux qui se sont constitués front uni contre l’agresseur russe, se sont succédées. Dernière en date, celle faite ce lundi par le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, brandissant la menace d’une troisième guerre mondiale.

« Le danger (d’une troisième guerre mondiale, ndlr) est grave, réel. Et nous ne devons pas le sous-estimer », a-t-il déclaré à l’occasion d’un long entretien accordé à la télévision russe.

Plus inquiétant, il a même estimé que l’Otan était déjà en guerre avec la Russie, au travers de l’aide qu’elle apporte à l’Ukraine: « L’Otan, en substance, est engagée dans une guerre avec la Russie via un intermédiaire et elle arme cet intermédiaire. Cela signifie la guerre ».

Pour Pierre Servent, spécialiste des questions de défense et de stratégie militaire, invité de France inter ce mercredi, cette nouvelle menace illustre en réalité les difficultés auxquelles sont confrontés les états-majors russes.

« Je considère que c’est un aveu de faiblesse de la part de la structure du Kremlin », indique-t-il.

« Quand on regarde la séquence sur les 60 jours, chaque fois qu’il (Vladimir Poutine, ndlr) prend un coup dur, paf, vous avez une déclaration sur le nucléaire, sur la troisième guerre mondiale… », continue-t-il.

L’humiliation du Moskva

C’est en tout cas qu’il s’est produit après la destruction du navire amiral russe Moskva en mer Noire. Ce bateau, qui jouait un rôle majeur dans cette zone stratégique, a très certainement été mis hors d’état d’agir par des missiles ukrainiens « Neptun » le 13 avril, avant qu’il ne coule le lendemain. Une humiliation pour Moscou, une réussite militaire majeure pour Kiev.

« La perte du Moskva est un événement dément. Un bâtiment amiral. Vous imaginez, par rapport à l’orgueil de Poutine? », juge Pierre Servent.

Mais hors de question de perdre la face. Un peu moins d’une semaine plus tard, l’armée russe annonçait le premier tir d’essai réussi d’un nouveau missile balistique intercontinental Sarmat, surnommé « Satan 2 », pouvant contenir jusqu’à 12 têtes nucléaires, avec une puissance maximale estimée à 50 mégatonnes, soit 2000 fois Hiroshima. Tiré depuis Moscou, il pourrait même atteindre Londres en 6 minutes et être en mesure de brouiller les radars.

« C’est véritablement une arme unique qui va renforcer le potentiel militaire de nos forces armées, qui assurera la sécurité de la Russie face aux menaces extérieures et qui fera réfléchir à deux fois ceux qui essayent de menacer notre pays avec une rhétorique déchaînée et agressive », a jugé bon de préciser Vladimir Poutine.

La résistance ukrainienne

Missile destructeur, possibilité d’une troisième guerre mondiale… Autant de prises de paroles laissant envisager un cataclysme à l’échelle mondiale, alors que sur le terrain, aucun objectif militaire n’a pour l’instant été rempli.

En lançant le 24 février son offensive sur l’Ukraine, Vladimir Poutine s’attendait à une campagne éclair. À en croire ses premières déclarations, le maître du Kremlin, en voulant « dénazifier » le pays, comptait même renverser le pouvoir en place. Sauf que les Ukrainiens ont résisté, et que Volodymyr Zelensky n’a jamais quitté le territoire national.

La jeune armée ukrainienne est même parvenue à empêcher la prise de Kiev, en retenant les troupes russes au nord de la capitale. Si bien que le 26 mars, Moscou a annoncé la réorganisation de son offensive, ne se concentrant plus que sur le Donbass, une région en partie occupée par des séparatistes prorusses depuis 2014.

« Tout le monde pensait que c’était plié. Et là, surprise, non seulement l’Ukraine résiste, mais la Russie révèle d’énormes trous dans la raquette », analyse Pierre Servent. « Poutine a perdu 20% de ses forces, je pense entre 25.000 et 30.000 hommes, c’est plus de pertes qu’en Afghanistan où ça a duré 10 ans », continue-t-il.

Un retour des pourparlers?

Autant d’éléments qui ont fait dire lundi au chef du Pentagone, le secrétaire à la Défense américain Lloyd Austin, que Kiev pouvait « gagner la guerre, avec les bons équipements ».

Le maintien d’un relatif équilibre des forces sur le terrain pourrait d’ailleurs pousser Moscou à revenir sérieusement à la table des négociations, puisque comme le croit Pierre Servent, « Poutine ne comprend que le rapport de force. S’il n’est pas dans la douleur d’une force adverse, il n’est pas dans l’altérité ».

Reste à savoir si les Ukrainiens tiendront bon dans le Donbass, là où se concentre désormais le gros des troupes russes et où de nombreuses localités sont encore tombées ce mercredi.



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