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Vladimir Poutine fragilisé par l’attaque du pont de Crimée


Le pont de Crimée, samedi, après l’explosion qui a provoqué l’effondrement de l’une des deux voies routières et l’embrasement d’un train de carburant. Security Service of Ukraine/UPI//SIPA/Security Service of Ukraine/UPI/

Après cet affront et alors que son armée tangue de la base au sommet, le président russe réunit lundi son Conseil de sécurité.

Correspondant à Moscou

Après la spectaculaire explosion du pont de Crimée, suivie de nouveaux bombardements de civils ukrainiens, Vladimir Poutine présidera ce lundi son Conseil de sécurité, qui regroupe notamment les responsables de l’armée et des «services». L’occasion possiblement d’envisager des réactions supplémentaires aux dommages causés à l’ouvrage de 10 kilomètres reliant la péninsule annexée par Moscou en 2014 à la région de Krasnodar.

Dimanche, des plongeurs examinaient les abords des lieux où, la veille, vers 6 heures du matin, une boule de feu a provoqué l’effondrement de l’une des deux voies routières du pont, au moment où passait en surplomb un convoi ferroviaire dont plusieurs wagons se sont enflammés. Trois personnes se trouvant dans des véhicules circulant à proximité sont mortes dans l’explosion, selon un bilan fourni par les Russes. La reprise du trafic routier et ferroviaire a officiellement repris dès samedi, et le ministère des Transports a annoncé que les trains de passagers de la Crimée vers la Russie «roulaient selon le plan habituel». Dimanche dans l’après-midi, on pouvait constater sur place que l’accès au pont en voiture ne se faisait qu’au compte-gouttes, après des heures d’attente. Un ferry devait être mis en place pour le passage des autobus et des camions, a indiqué dimanche le gouverneur de Crimée, Sergueï Axionov.

Symboliquement, le coup est sérieux pour Moscou. L’explosion, survenue au lendemain du 70e anniversaire de Vladimir Poutine, a touché l’un de ses chantiers phares, réalisé à grands frais et inauguré en 2018 par le président russe pour matérialiser le rattachement – contesté internationalement – de la Crimée à la fédération de Russie, quatre ans plus tôt. Au moment où les forces russes sont sur le reculoir en Ukraine, le camouflet est d’autant plus cinglant que c’est par ce pont de Kertch, enjambant le détroit entre la mer d’Azov et la mer Noire, que transitent la logistique et le ravitaillement destinés aux troupes russes du front de Kherson, dans le sud de l’Ukraine. Une ligne d’approvisionnement théoriquement hors de portée d’éventuelles attaques ukrainiennes, même si la péninsule a été frappée à quelques reprises ces derniers mois.

En guise de réplique, quelques heures plus tard, dans la nuit de samedi à dimanche, de nouveaux bombardements russes ont frappé la ville de Zaporijjia, faisant de douze à dix-sept tués et de soixante à quatre-vingt-sept blessés, selon les différents bilans, et alors que des victimes, toutes civiles, se trouvaient encore possiblement sous les décombres. Trois jours plutôt, une frappe avait déjà fait dix-sept victimes dans cette ville du sud de l’Ukraine. Cette fois, quatre missiles de croisière ont été utilisés, selon l’armée de l’air ukrainienne. «Aucun sens. Le mal absolu. Des terroristes et des sauvages. Depuis celui qui a donné cet ordre jusqu’à celui qui l’a exécuté. Tous ont une responsabilité», a réagi Volodymyr Zelensky sur son compte Telegram. Les autorités russes ont également indiqué dimanche avoir frappé des «mercenaires étrangers» dans la région de Zaporijjia.

Charge placée à bord d’un véhicule ou sabotage du pont, attaque lancée depuis la mer ou par un missile? Les circonstances précises de la déflagration suscitaient dimanche encore des spéculations. À ce stade, les autorités russes ont attribué l’explosion à un camion piégé, filmé par les caméras de vidéosurveillance, dont le propriétaire serait un habitant de la région de Krasnodar. Le pont de Crimée, stratégique et ultrasensible, faisait pourtant théoriquement l’objet d’une surveillance navale, aérienne et antimissiles renforcée. Un «bouclier» qui incluait également des «dauphins militaires» spécialement dressés. Il est vrai que les Ukrainiens eux-mêmes avaient évoqué il y a plusieurs mois déjà la possibilité de s’y attaquer. Samedi, Maria Zakharova, la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, a évoqué un acte «terroriste». On relève toutefois que Moscou n’a pas accusé l’Ukraine de cette attaque dans l’immédiat, pas plus que les responsables ukrainiens n’ont revendiqué officiellement leur responsabilité. Samedi soir, Volodomyr Zelensky, dans son message quotidien aux Ukrainiens, s’est borné à ironiser, relevant que la journée avait été bonne, hormis un «temps nuageux» en Crimée. D’autres sources ukrainiennes ont affirmé que l’explosion résultait de rivalités entre les services de sécurité et l’armée russes.

Mécontentement en haut lieu

Les principales interrogations se portent désormais sur les conséquences militaires, voire politiques, de cet événement en Russie. Au moment où les difficultés s’amoncellent pour Moscou, certains tenants du «parti de la guerre», très critiques des options prises par l’état-major russe, en ont manifestement pris prétexte pour pousser leurs feux. Samedi soir, un site Telegram lié à Evguéni Prigogine, le patron des mercenaires du groupe Wagner, annonçait ainsi indûment le départ du ministre de la Défense, Serguei Choïgou, et le remplacement du chef d’état-major des armées, le général Valery Guerassimov.

En revanche, le mécontentement en haut lieu sur la conduite des opérations a conduit à la nomination samedi d’un nouveau commandant de l’ «opération militaire spéciale» en Ukraine, Serguei Sourovikine, 55 ans. En août 1991, l’unité du capitaine Sourovikine s’était signalée en tuant trois manifestants lors du putsch en cours à Moscou. Beaucoup plus tard, il commandera les forces russes en Syrie, où il sera crédité d’avoir retourné la situation militaire au profit du régime de Bachar el-Assad, – au prix notamment de bombardements sans discernement sur les populations civiles, traînant derrière lui, selon ses détracteurs, une réputation de violence et de corruption, il a été le seul général de l’armée de terre à être nommé à la tête des forces aériennes, en 2017, reconnaissance sans nul doute de sa grande loyauté. Le général Sourovikine était depuis quelques mois le chef du groupe d’armée «Sud» dans l’offensive en Ukraine.

Que peut maintenant décider Poutine lors du conclave sécuritaire qu’il réunira ce lundi? «Bombarder le centre de Kiev? Cela ne changera rien. La Russie bombarde des villes ukrainiennes toutes les nuits», estime l’analyste politique Abbas Galliamov. «Utiliser des armes nucléaires? Ce serait clairement une réponse inadéquate. (…) Il est impossible de faire passer l’explosion du pont pour une menace existentielle», affirme ce spécialiste qui rappelle aussi les propos de Volodymyr Zelensky, samedi à la BBC: «Nous n’irons pas plus loin que nos frontières, ce qui arrivera à Poutine ne nous regarde pas, laissons les Russes s’en occuper…»



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