« Nous sommes partis avec notre véhicule à nos risques et périls », explique Tatiana, depuis le plus grand centre de réfugiés de Dnipro, dans l’est de l’Ukraine, où 80% des volontaires et la moitié des 3000 bénéficiaires quotidiens sont de Marioupol. Elle a fui la ville martyre avec son mari ses deux filles d’un et neuf ans, il y a un mois.
« On suivait le corridor humanitaire avec nos propres moyens, mais notre colonne a été bombardée avec des missiles Grad, relate-t-elle. Les cris des enfants, à ce moment-là, on ne les oubliera jamais. La façon dont ils pleurent, la façon dont ils crient… Ca, c’est une peur que vous gardez toute votre vie. » Aujourd’hui encore, inquiète, elle scrute le ciel constamment pour vérifier que rien n’en tombe.
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Comme elle, nombreux sont les civils qui ont fui par leurs propres moyens, les corridors humanitaires n’ayant jamais vraiment vu le jour de façon très organisée. Il y aurait encore dans la ville 100 000 personnes à évacuer, selon le maire de Marioupol.
Irina est partie une semaine avant Tatiana, le 15 mars. Elle a fait étape à Osipenko, près de Berdiansk, où elle a appris qu’aux checkpoints, les Russes obligeaient les hommes à se déshabiller pour vérifier leurs tatouages. Ils espèrent ainsi débusquer les plus patriotes. Or, le fils d’Irina porte sur le bras un immense trident, symbole de la nation ukrainienne. « S’il était passé, il aurait été déshabillé et tué, c’est sûr. Alors, on a cherché des gens pour modifier son tatouage. Ils en ont fait une croix », raconte Irina. Elle poursuit : « Quand nous sommes partis au dernier checkpoint, il y avait des soldats. L’un d’eux a remarqué que le tatouage n’était pas complètement cicatrisé. On a commencé à mentir, expliquer que le tatouage avait été fait juste avant la guerre et donc pas complètement guéri. On les a payés avec des cigarettes et nous sommes passés. »
« S’ils avaient retrouvé ce tatouage de trident, c’était pour mon fils au minimum la mort directement au checkpoint, et au pire, les tortures dans des caves à Donietsk. »
Irina, qui a pu fuir Marioupolà franceinfo
Les yeux bleus d’Irina s’embuent quand elle évoque le départ de chez elle. À Dnipro, comme ailleurs, elle ne supporte plus le bruit des sirènes. Mais elle craint aussi de devoir reprendre la route, pour s’éloigner encore un peu plus de Marioupol.