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la popularité effilochée d’Imran Khan le pousse à jouer son va-tout



Ancienne vedette de cricket, le Premier ministre pakistanais Imran Khan a vu sa popularité s’écrouler en quelques années. Il est désormais fragilisé par une mauvaise gestion économique et lâché par l’armée. Son recours à des législatives anticipées est une manœuvre politique désespérée pour rester au pouvoir.

Imran Khan tente le tout pour le tout, quitte à passer pour un mauvais joueur. L’ancienne star du cricket, devenue Premier ministre du Pakistan en 2018, a mis en place un habile stratagème qui lui a permis d’éviter in extremis, dimanche 3 avril, le vote d’une motion de censure de l’opposition à son encontre.

Sentant le vent tourner, le dirigeant pakistanais a obtenu de son allié, le président Arif Alvi, qu’il prononce la dissolution de l’Assemblée nationale, ce qui a entraîné la convocation de législatives anticipées sous 90 jours.

Alors que les parlementaires s’apprêtaient à prendre place dans l’hémicycle pour entamer la procédure de destitution, le Premier ministre a pris les députés de court, apparaissant à la télévision pour annoncer la dissolution de leur organe. Quasi simultanément, le vice-président du Parlement, Qasim Suri, un fidèle d’Imran Khan, a refusé de soumettre la motion de censure au vote, au prétexte qu’elle était le produit d’une « ingérence étrangère » prétendue des États-Unis.

Saisie par l’opposition, la Cour suprême doit statuer mardi sur la légalité de ce refus de soumettre dimanche la motion de censure au vote.

Imran Khan sait qu’il joue là ses ultimes atouts dans ce qui pourrait être son dernier match politique. Aussi, cet ancien sportif d’exception cherche à gagner du temps et espère retrouver sa légitimité grâce aux urnes. Toutefois, l’opération est périlleuse, car le héros national du cricket a rongé toute sa cote de popularité.

Des promesses économiques non tenues

Son parti, le Pakistan Tehreek-e-Insaf (PTI), qu’il a contribué à fonder en 1996, lui reste fidèle. Tout comme ses alliés placés à des postes clefs du pouvoir, tel que le très honorifique président de la République, Arif Alvi, qui a prononcé la dissolution de l’Assemblée, ou encore le vice-président de la chambre, Qasim Suri. Cependant, le Premier ministre compte de plus en plus d’adversaires, dont une partie des militaires pakistanais qui avaient soutenu son accession au pouvoir.

L’ancien joueur de cricket a longtemps joui d’une réelle popularité mais celle-ci s’est s’effilochée en raison d’une situation économique très dégradée, avec une inflation galopante, une roupie faible et une dette écrasante.

Imran Khan est arrivé au pouvoir en 2018, après la victoire aux législatives du PTI, sur des promesses populistes mêlant réformes sociales, conservatisme religieux et lutte contre la corruption. Comme chef du gouvernement, il a d’abord capitalisé sur son image d’incorruptible et la lassitude de la société à l’égard des partis traditionnels, qui ont monopolisé le pouvoir pendant des décennies avec l’armée.

Pendant la pandémie de Covid-19, son choix de ne pas imposer de confinement national, qui aurait « fait mourir de faim » les gens, s’est révélé populaire et gagnant. Les 220 millions de Pakistanais, majoritairement très jeunes, ont été largement épargnés (30 000 morts).

Mais, même s’il avait hérité de finances sinistrées, la conjoncture économique et ses mauvais choix ont fini par le rattraper, le tassement de sa cote de popularité ces derniers mois incitant ses alliés au sein de la coalition au pouvoir à se rapprocher de l’opposition pour tenter de le pousser vers la sortie.

En cause, notamment, une série de mesures mettant fin à des exonérations de taxes sur les produits du quotidien, adoptées par son gouvernement, afin d’obtenir un prêt du FMI.

Dans la rue, les mécontentements se font eux aussi entendre. « Lorsque le gouvernement du PTI est arrivé au pouvoir, il a fait beaucoup de promesses, mais il n’a pu en tenir aucune. Ils n’ont pas pu contrôler l’inflation. Ils n’ont aucune stratégie. Maintenant, la situation est si mauvaise que je ne pense pas que les prochains puissent être capables de faire quelque chose pour l’améliorer », s’insurge un jeune Pakistanais déçu, au micro de la correspondante de France 24 à Islamabad.

L’ancien play-boy devenu soutien des radicaux

Souvent accusé d’avoir restreint l’espace d’expression de la presse, Imran Khan a aussi suscité l’indignation des organisations féministes en établissant plusieurs fois un lien entre le viol et la manière de s’habiller des femmes, dans un pays où les violences sexuelles sont courantes.

Ce fils d’une riche famille de Lahore, diplômé d’Oxford, marié trois fois après avoir entretenu pendant sa carrière sportive une réputation de play-boy habitué aux boîtes de nuit les plus sélectes de Londres, s’est aussi vu reprocher sa complaisance envers les religieux radicaux.

L’homme a beaucoup changé. En 1995, il épousait Jemima Goldsmith, une riche héritière anglaise, amie de Lady Diana. Son mariage était couvert par la presse people du monde entier. Vingt ans plus tard, en 2018, marié en troisièmes noces, il pose avec sa nouvelle épouse Bushra Bibi, issue d’une famille religieuse. Signe de conservatisme au Pakistan, un voile rouge dissimule le visage de la femme. Une évolution qui laisse apparaître son conservatisme grandissant.

L’ancien jet-setteur de 69 ans s’affiche désormais de plus en plus souvent le chapelet à la main et défend avec véhémence la controversée loi sur le blasphème.

En novembre, son gouvernement a d’ailleurs levé l’interdiction pesant sur le Tehreek-e-Labbaik Pakistan (TLP), décrétée en avril après de violentes manifestations antifrançaises organisées par ce parti islamiste, qui dénonçait le soutien apporté par la France au droit de caricaturer, notamment le prophète Mahomet.

« Taliban Khan »

Ses détracteurs vont même jusqu’à le surnommer « Taliban Khan », l’attaquant pour n’avoir jamais cessé de prôner le dialogue avec les groupes insurgés violents liés aux Taliban.

D’autant que la prise du pouvoir par les Taliban en Afghanistan à la mi-août a contribué à détériorer la sécurité au Pakistan. Après plusieurs années d’un calme relatif, les attentats ont repris de plus belle depuis août, menés par les Taliban pakistanais du Tehreek-e-Taliban Pakistan (TTP), la branche régionale du groupe État islamique (EI-K), ou des groupes séparatistes baloutches, malgré les assurances de Kaboul que le sol afghan ne serait pas utilisé à de telles fins.

Des dizaines de personnes ont été tuée dans un attentat suicide le 4 mars lors de la prière dans une mosquée chiite de Peshawar, faisant de cette attaque la plus meurtrière qu’ait connu le pays depuis 2018.

L’armée en désaccord avec la politique étrangère

Les efforts d’Imran Khan pour positionner le Pakistan en acteur régional incontournable n’ont guère porté non plus. Les liens avec Washington et les pays européens se sont distendus, notamment sous l’effet de ses positions anti-américaines et de ses diatribes contre l’islamophobie, déguisée à ses yeux, en Occident, sous les traits de la liberté d’expression.

Islamabad s’est encore plus rapproché de la Chine. Et la visite officielle à Moscou d’Imran Khan le jour même du déclenchement de la guerre en Ukraine lui a valu nombre de moqueries.

Une politique étrangère qui n’est pas du goût des militaires tout puissants dans ce pays. Les déclarations du chef de l’armée, le général Qamar Javed Bajwa, sont venues calmer à plusieurs reprises l’ardeur des propos du Premier ministre.

Le dernier rappel à l’ordre ne s’est pas fait attendre, samedi, quelques heures à peine après que le Premier ministre a accusé les États-Unis d’avoir fomenté la motion de censure à son égard. « Nous partageons une longue histoire d’excellentes relations stratégiques avec les États-Unis, qui restent notre premier marché à l’export », a immédiatement fait savoir le général Qamar Javed Bajwa, preuve qu’un froid s’est installé entre les deux hommes. Une chose est sûre : les militaires pakistanais ne viendront pas sauver l’ancien héros national s’il venait à perdre son dernier match.

Imran Khan conserve pour l’instant son poste de Premier ministre pour une période de quinze jours environ, le temps qu’un gouvernement intérimaire soit mis en place.

Avec AFP



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