Culture

Paul Verhoeven scandalisé de la pudibonderie de Mourir peut attendre, le dernier James Bond


«Le sexe est l’essence de l’existence !», s’est exclamé le cinéaste néerlandais, catastrophé de l’extinction de l’érotisme à Hollywood. Mais aussi dans la célèbre franchise de 007.

La sensualité est moins éternelle que les diamants. Après plusieurs tentatives de sortie repoussées par une pandémie que n’auraient pas récusée bien des films d’espionnage, le dernier volet de la saga James Bond, Mourir peut attendre , est apparu en salles cet automne. Courses-poursuites effrénées dans la ville de Matera en Italie, bolides rugissants et autres infâmes complots ourdis d’une base secrète, déjoués entre deux traits d’esprit… La formule d’un film James Bond, rodée sur plus d’un demi-siècle de cinéma, répond présent. À une exception. L’Espion de Sa Majesté ne court plus les jupons. Une aberration absolue, pour le réalisateur Paul Verhoeven.

«Il y a toujours eu du sexe dans Bond ! On ne voyait pas de seins ou quoi que ce soit, mais il y avait bien du sexe !», s’est indigné moqueusement le cinéaste à la télévision néerlandaise, rapporte la dernière édition du Sunday Times . Le réalisateur de La Chair et le Sang, Robocop , Basic Instinct ou encore, plus récemment, de Benedetta serait sorti déçu, à plus d’un titre, de Mourir peut attendre. Pas le moindre gredin étripé, ni une once d’érotisme n’en émanent. Certes, Bond, incarné pour la cinquième et dernière fois par Daniel Craig, s’est rangé. Il coule, au début de l’histoire, des jours heureux en Italie, aux côtés de la Française Madeleine Swann (Léa Seydoux). Terminé, les silhouettes suggestives du générique, fini, les passades torrides : l’extinction cinématographique de la sensualité s’étire jusqu’au point final du film.

Ursula Andress et Sean Connery dans James Bond 007 contre Dr No, en 1962. Avalon/ABACA

Il y a quelques volets encore, James Bond résistait à la pudibonderie ambiante. Paul Verhoeven garde ainsi un bon souvenir du Casino Royal de 2006. La grâce effarante d’Eva Green et la violence crue des hommes (dont Mads Mikkelsen) ondoyaient sans pudeur, ni voyeurisme, entre des notes de charme et de cruauté. Or pour le réalisateur, barbarie et volupté font précisément jeu commun : ils font vrai. «Il faudrait revenir à la réalité», indique-t-il ainsi lorsqu’on lui demande ce qu’il ferait de James Bond. Moins de cabrioles automobiles et plus de bagatelle à l’ancienne, faut-il croire. «Le sexe est l’essence de l’existence !, s’exclame-t-il. Avant d’ajouter, plus loin : «Les voitures, ça ne bondit pas dans le ciel».

«Nous avons peur du sexe !»

Fidèle à sa filmographie, Paul Verhoeven ne peut, à l’évidence, se contenter de simples artifices ou de spectacles de pacotille servis par les superproductions du moment. «Tout n’est plus qu’un festival d’explosions et de crashs, déplore-t-il, en partageant un constat dont se désolent d’autres cinéastes, et pas des moindres, tels que Martin Scorsese ou Francis Ford Coppola. Ces films sont parfois amusants, mais ils ne vous racontent rien sur le monde d’aujourd’hui. Je ne vois plus la moindre réflexion dans les Marvel ou les Bond».

Pierce Brosnan et Sophie Marceau dans le 19e film James Bond, Le Monde ne suffit pas, en 1999. United International Pictures

Selon le réalisateur néerlandais, le cœur du problème est tout désigné. «Nous avons peur du sexe !, lance-t-il. La sexualité a été complètement effacée du cinéma. Aujourd’hui nous ne pourrions plus faire des films tels qu’il s’en faisait dans les années 1970. Même des films comme Showgirls ou Basic Instinct seraient très compliqués à faire de nos jours.» A qui la faute ? Paul Verhoeven épargne le mouvement #MeToo, qu’il juge moins responsable de cette disparition que la religion. «Il y a un nouveau puritanisme», regrette-t-il, en pointant du doigt l’influence de «la pensée évangélique de ces dernières décennies, selon laquelle la sexualité doit être orientée vers la famille». Et, donc, à une relative abstinence.

Les derniers films de Paul Verhoeven témoignent de cette frilosité radicale des producteurs américains. Elle, thriller subversif brodé autour d’une histoire de viol, et Benedetta, récit historique – ou «navet libidineux» – d’une nonne lesbienne du XVIIe siècle, ont été produits hors des États-Unis. Le sexe, affirme le cinéaste, serait ni plus ni moins devenu tabou à Hollywood. Difficile en effet de trouver un superhéros ou une superhéroïne passant par la case gaudriole, entre deux bagarres. L’impensé remplace le hors-champ. Cela vaut pour les autres superproductions, où s’infuse pareillement un voile de pudeur – quand ce ne sont pas d’épaisses courtines.

Pour autant, le prochain film de Paul Verhoeven, Young Sinner, renouera avec l’Amérique. Le réalisateur n’y avait plus tourné depuis vingt ans. Le film, un thriller politique, est attendu pour 2023. Quid du stupre honni, sa marque de fabrique ? «Bien sûr, il y aura un peu de sexe», glisse le cinéaste, presque comme une excuse, dans un entretien accordé en décembre au magazine américain MovieMaker. L’héroïne de ce long métrage, travaillera pour le compte d’un sénateur américain influent. Les fresques politiques s’accommodent décidément mieux des pugnacités licencieuses que les films à grand spectacle.



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