Le célèbre dessinateur Jean-Jacques Sempé, co-créateur du Petit Nicolas, est mort à l’âge de 89 ans, a fait savoir son épouse ce jeudi.
Le Petit Nicolas a perdu son deuxième papa. Le dessinateur Jean-Jacques Sempé, connu mondialement pour ses dessins minimalistes à l’humour délicat et décalé, est mort à l’âge de 89 ans. Né en 1932, il fut un témoin privilégié du XXe siècle, dont il a croqué avec un regard souvent grinçant les évolutions et les tares.
« Le dessinateur d’humour Jean-Jacques Sempé est décédé paisiblement (jeudi) soir, 11 août (2022), dans sa 89e année, dans sa résidence de vacances, entouré de sa femme et de ses amis proches », a indiqué Marc Lecarpentier, son biographe et ami, dans une déclaration à l’AFP
Un témoin privilégié du XXe siècle
Devenu dessinateur par hasard, cet enfant de la Gironde, né dans un milieu pauvre, rêvait d’une carrière dans la musique, avant de se prendre pour passion à l’adolescence pour le dessin. « C’était plus facile de trouver un crayon et du papier qu’un piano… », racontera-t-il dans Le Monde en 2018. Quittant l’école à 14 ans, il se fraye après-guerre un chemin dans le milieu des dessinateurs de presse.
Sa rencontre avec Goscinny, dans les années cinquante, change sa vie. Le dessinateur et le scénariste nouent une profonde amitié, qui les conduit à créer ensemble, le 29 mars 1959, dans Sud Ouest Dimanche, Le Petit Nicolas, une œuvre intemporelle louant une société française fantasmée.
Sempé s’inspire de son fils pour nommer son héros, tandis que Goscinny invente les prénoms de ses amis Geoffroy, Eudes, Rufus, Agnan, Clotaire. Le dessinateur, élève turbulent dans sa jeunesse, lui prête aussi ses souvenirs de bagarres et de colonies de vacances et de sa passion pour le sport et le foot en particulier. Succès mondial, Le Petit Nicolas s’écoule à cinq millions d’exemplaires, mais l’aventure s’arrête après un cinquième recueil, Joachim a des ennuis, paru en 1964.
De « Raoul Taburin » au « New Yorker »
Sempé commence à cette époque à publier des ouvrages en solo. Il signe plusieurs albums aux allures de contes, comme Marcellin Caillou (1969), L’Ascension sociale de Monsieur Lambert (1975) et Raoul Taburin (1995). Il a réalisé une trentaine d’ouvrages dont le dernier, Garder le cap, est sorti en 2020.
Sempé collabore avec plusieurs revues prestigieuses comme Paris Match, Le Nouvel Observateur et The New Yorker, dont il a signé une centaine de « une » depuis 1978. « The New Yorker, c’était un rêve inimaginable, comme d’entrer dans l’orchestre de Duke Ellington », confiera-t-il au Monde. « Ma première couv’, c’était un type qui hésitait à s’envoler. J’ai eu de la chance parce qu’elle a eu beaucoup de succès. »
Considéré comme l’un des plus grands dessinateurs, Sempé avait continué de dessiner jusqu’à son dernier souffle. Considéré par les jeunes générations de dessinateurs comme un modèle, il était tout particulièrement adulé par Catherine Meurisse et Joann Sfar. Ce dernier a d’ailleurs pris sa succession dans Paris Match.
Homme en apparence bourru, Sempé était à l’image de son trait: simple et délicat. Anxieux et timide, il se livrait rarement au jeu des confidences, racontait-il à son ami Marc Lecarpentier dans un documentaire de 2011: « Je suis affolé dès qu’on me pose une question. J’ai peur de me tromper. J’ai peur de ne pas dire la vérité (…) parce qu’il y a des choses que je n’ai pas envie de dire. » Il préférait les dessiner.
