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malgré l’échec du vote de défiance, le « début de la fin » pour Boris Johnson ?



Hué lors du jubilé de platine d’Elisabeth II ce week-end, Boris Johnson, empêtré dans le Partygate, est sorti victorieux, lundi soir, de la motion de défiance initiée contre lui par 54 députés conservateurs. Mais les analystes l’affirment : ce vote signale un départ imminent de Downing Street.

John Dryden, l’un des grands poètes de la Renaissance anglaise, écrivait : « Même les vainqueurs par leurs victoires sont défaits ». Cela pourrait bien s’avérer être le cas pour Boris Johnson. Sorti victorieux de la motion de défiance initiée par 54 députés conservateurs lundi 6 juin, le Premier ministre britannique, embourbé dans le Partygate, vit néanmoins la plus grande crise de son mandat. Les experts assurent que ce vote annonce son départ prochain de Downing Street.

De ses débuts remarqués de journaliste au Daily Telegraph, pour lequel il écrivait des articles humoristiques et souvent mensongers sur Bruxelles, jusqu’à l’achèvement du Brexit, la fulgurante ascension du Premier ministre britannique s’est construite sur sa personnalité débonnaire, associée à l’inexorable montée en puissance des conservateurs pro-Brexit. Mais depuis que le Royaume-Uni a quitté l’Union européenne en janvier 2020, les gaffes et les scandales n’ont cessé d’entacher le mandat du Premier ministre.  

>> Partygate : les dates du scandale qui affaiblit Boris Johnson

Politiquement, Boris Johnson a atteint son pic de popularité lors des élections générales de décembre 2019, lorsque les conservateurs ont remporté un nombre record de sièges, jamais vu depuis le raz de marée thatchérien de 1987. Selon la revue Parliamentary Affairs, trois facteurs pouvaient alors expliquer cette victoire historique pour les conservateurs, malgré neuf années de pouvoir : « Boris, Brexit and Corbyn ».  

Mais aujourd’hui, le Brexit n’anime plus la vie politique britannique et Jeremy Corbyn a été poussé vers la sortie du Parti travailliste. La victoire éclatante de Boris Johnson en 2019 a acté la fin de l’un comme de l’autre. De ses trois atouts, il ne reste plus au Premier ministre que sa popularité, sérieusement émoussée depuis l’éclatement du « Partygate ».

« Moment époustouflant » 

Depuis la publication fin mai de l’accablant rapport sur l’organisation, par Boris Johnson et son équipe, de fêtes en violation des confinements pour lutter contre le Covid-19, les sondages suggèrent qu’une majorité de l’électorat britannique souhaite sa démission. Deux pots de départ, organisés à Downing Street la veille des funérailles du Prince Philip en avril 2021, font particulièrement scandale : les images de la reine, assise seule pour assister aux obsèques de son époux, avaient alors symbolisé la rigueur du confinement imposé au Royaume-Uni.   

Le jubilé de platine a fourni la démonstration éclatante du contraste entre le respect accordé par le peuple britannique à son chef de l’État et le mépris qu’il voue à son chef du gouvernement. Lorsque Boris Johnson est arrivé à la Cathédrale Saint-Paul, samedi, pour assister à la messe donnée en l’honneur des 70 ans de règne de la reine, la foule l’a accueilli avec des huées.  

Une telle scène est un « moment époustouflant dans la vie politique britannique », analyse Jonathan Tonge, professeur de politique à l’Université de Liverpool. « Cela montre à quel point Boris Johnson est devenu un repoussoir électoral. Si ces 54 lettres [pour demander la motion de censure NDLR], n’avaient pas déja été envoyées, elles l’ont assurément été juste après. »  

Les conservateurs vont bientôt découvrir à quel point Boris Johnson est devenu un boulet électoral. Un sondage du Sunday Times prévoit une lourde défaite des Tories contre le Parti travailliste lors de l’élection partielle du 23 juin à Wakefield, près de Leeds, dans le nord de l’Angleterre. Les votes conservateurs devraient plonger, notamment parmi les anciens pro-Labour passés conservateurs ces vingt dernières années, jusqu’à devenir cruciaux dans l’électorat conservateur.

« Il ne semble plus être en mesure de faire gagner des élections »

En pareille circonstance, les Tories sont connus pour être impitoyables envers leurs leaders. En 1990, les députés conservateurs avaient ainsi destitué Margareth Thatcher en personne, pensant qu’elle était restée trop longtemps à Downing Street pour être réélue.  

En plus de ces calculs purement électoralistes, les conservateurs se sont toujours montrés soucieux d’apparaître comme des dirigeants compétents, afin de séduire au-delà de leur base idéologique. Le Partygate est en cela particulièrement accablant pour Boris Johnson, remarque Jonathan Tonge. « Ce n’est pas une bataille idéologique. Johnson n’a jamais été un idéologue. Sa seule vision idéologique était de réussir le Brexit, et encore parce qu’il sentait que c’était dans le sens du vent. C’est avant tout une question de compétences, d’art politique, de victoires électorales – mais maintenant, il est discrédité et ne semble plus être en mesure de faire gagner des élections, ce qui est un gros problème. »  

De nombreux observateurs ont perçu un manque de discipline parmi les députés conservateurs à la suite des premières victoires de Boris Johnson. Sa popularité a chuté lorsqu’il a tardé à imposer des mesures de confinement en 2020, et un peu plus cette année, quand il a rejeté un manifeste conservateur appelant à augmenter les contributions à l’Assurance nationale, alors que la crise du coût de la vie s’intensifiait. Mais c’est le Partygate qui a réellement inversé la tendance et réveillé l’instinct de survie des Tories.  

« Quand le Parti travailliste passait en tête des sondages, et jamais de beaucoup, les députés déçus par Boris Johnson étaient encore prêts à lui accorder le bénéfice du doute », souligne Tim Bale, professeur de politique à l’Université Queen Mary de Londres. « Mais au cours des dernières semaines, sous la pression du Partygate et de la crise du coût de la vie, les sondages ont démontré qu’il n’allait plus être en mesure de sauver suffisamment de sièges aux prochaines élections pour persuader les députés conservateurs de continuer à le soutenir. »  

« Sous pression comme personne »  

Boris Johnson conserve néanmoins le soutien de son cabinet. Certains de ses ministres les plus éminents (et potentiels successeurs), comme la ministre des Affaires étrangères Liz Truss, lui ont exprimé leur plus grand soutien. Le ministre le plus proéminent à avoir rompu les rangs est John Penrose, le « champion de la lutte anti-corruption » de Johnson, un nom peu familier du grand public.  

Mais même si Boris Johnson a remporté, lundi, le nombre nécessaire de votes pour rester au pouvoir, 148 députés conservateurs (sur 359 votants) ont tout de même voté contre lui. Et les exemples passés suggèrent que les votes de défiance traduisent des problèmes qui finissent à terme par conduire les Premiers ministres à démissionner.

Embourbée dans le Brexit, Theresa May avait ainsi remporté la majorité des votes des députés conservateurs lors d’une motion de défiance en 2018, avant d’être poussée à la démission moins d’un an plus tard.  

« Dans le passé, ça s’est toujours passé ainsi…. Mais si quelqu’un peut y échapper, c’est lui [Boris Johnson], nuance Jonathan Tonge. Je soupçonne néanmoins que c’est le début de la fin. Il est sous pression comme personne. »  

À première vue, l’absence de successeur naturel peut donner une chance à Boris Johnson d’échapper à son sort. Le chancelier de l’Échiquier, l’équivalent du ministre des Finances, Rishi Sunak, bénéficiait jusque-là d’une importante popularité grâce à sa gestion saluée de la crise causée par la pandémie de Covid-19. Mais la popularité de Rishi Sunak a été entachée en avril dernier, lorsqu’il a été condamné à une amende pour avoir participé à une fête du Partygate aux côtés de Boris Johnson. Il a également été révélé que son épouse, la milliardaire indienne Akshata Murphy, bénéficiait du statut de « non domiciliée », qui lui permet de ne pas payer d’impôts sur les revenus qu’elle génère à l’étranger alors qu’elle réside au Royaume-Uni. 

D’autres candidats potentiels, comme le secrétaire d’État à l’Égalité des chances, au Logement et aux Communautés, Michael Gove, et l’ancien secrétaire d’État à la Santé, Jeremy Hunt, sont considérés comme des administrateurs compétents, mais manquent de popularité.  

« Il ne fait aucun doute que la meilleure chose qui soit jamais arrivée à Boris Johnson a été la condamnation de Sunak à une amende et le scandale concernant sa femme. Il était le dauphin évident, et maintenant il n’y en a plus », explique John Curtice, professeur de Politique à l’Université de Strathclyde. « Aucun des potentiels candidats n’est parvenu à séduire le public. Mais les Tories sont confrontés au problème suivant : les six mois qu’ils ont passé à essayer de défendre Boris Johnson n’ont servi à rien. »  

« L’absence d’un successeur incontestable est loin d’être idéale, ajoute Tim Bale. Mais l’idée qu’il faut un dauphin pour organiser des élections internes est absurde : si la situation paraît mauvaise, les partis politiques chercheront toujours un nouveau leader, n’importe qui d’autre qu’un chef qui semble les mener à la défaite. »  

Adapté de l’anglais par Lou Roméo. La version originale de l’article est disponible ici. 



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