Culture

Quarante ans après, pourquoi la Fête de la musique n’est-elle plus ce qu’elle était?


Après deux ans de perturbations liées à la pandémie, la Fête de la musique entend retrouver son essence: «Un événement festif, populaire et spontané, qui vise à favoriser les pratiques amateurs». LUDOVIC MARIN / AFP

Manque de spontanéité, moins de place pour les amateurs… Pour certains, l’institution créée par Jack Lang en 1982 a perdu de sa superbe.

Le 21 juin marque chaque année le premier jour de l’été. Depuis 1982, c’est aussi le jour où l’on célèbre la musique en France, et dans une centaine d’autres pays. Après deux ans de perturbations liées à la pandémie de Covid-19, la Fête de la musique revient dans sa forme la plus simple et la plus efficace: des concerts par centaines, dans toutes les villes de France, avec des musiciens professionnels comme amateurs. Mais l’esprit insufflé en 1982 par le ministre de la Culture Jack Lang à cette fête rapidement devenue institution est-il toujours le même 40 ans plus tard ?

Moins de place pour les musiciens amateurs

Pour cette édition anniversaire, le ministère de la Culture a donné sa ligne de conduite: «revenir aux fondamentaux de la Fête de la musique, mettre l’accent sur les principes qui ont présidé à sa création : un événement festif, populaire et spontané, qui s’adresse à tous les publics et qui vise à mettre en lumière et favoriser les pratiques amateurs». Mais pour certains, cette spontanéité, qui faisait l’essence de l’évènement à sa création, a disparu aujourd’hui. Sur un groupe Facebook dédié à la Fête de la musique, l’utilisateur Al Guterinos s’indigne: «À l’origine, la Fête de la musique avait pour but de faire sortir tout le monde dans la rue avec son instrument de musique, peu importe l’endroit, peu importent les personnes, peu importe s’il jouait juste ou pas, l’important était de participer et c’était vraiment super !». Il ajoute: « Maintenant, c’est terminé, ce sont les municipalités qui décident du lieu, de la date et heure du spectacle et du groupe de musiciens… Ce n’est plus n’importe où et n’importe qui!».

En 2010 déjà, Huguette Bonomy, de la Fédération française des MJC (Maisons des jeunes et de la culture), regrettait cette tendance: «La programmation institutionnelle n’a cessé de prendre de l’importance. Les grandes villes installent des grosses scènes et invitent des artistes professionnels ou semi-professionnels. Et cela fait de l’ombre au reste, notamment à la pratique amateur», avait-elle expliqué à Ouest-France .

La critique a été entendue à Toulouse. La ville n’organise cette année aucune manifestation officielle pour la Fête de la musique, laissant aux musiciens amateurs le champ libre pour s’exprimer dans la Ville rose comme l’explique Jonnhy Dunal à La Dépêche. «J’ai voulu rendre à la Fête de la musique son sens initial : celui d’une fête populaire avec des concerts donnés par des musiciens locaux. On nous avait même reproché par le passé, en organisant une scène place du Capitole, de phagocyter les musiciens amateurs de Toulouse», explique l’adjoint en charge de l’organisation des festivités et animations.

Retrouver la spontanéité

La sociologue Charitini Karakostaki, autrice d’une thèse sur les manifestations festives en France depuis les années 1980, explique que si la Fête de la musique avait une réelle spontanéité liée à son «aspect unique et novateur» au moment de sa création en 1982, celle-ci s’est transformée avec l’évolution des pratiques d’écoute musicale mais aussi avec le contexte. La popularité de l’évènement a conduit ses organisateurs à mettre en place des «démarches minimales» explique-t-elle. Si aujourd’hui tout musicien amateur comme professionnel peut se produire pour la Fête de la musique, chacun doit cependant s’inscrire au préalable à l’agenda officiel, sur le site du ministère de la Culture. La démarche permet aux municipalités de diffuser un programme détaillé pour la journée du 21 juin et qui offre ainsi une meilleure visibilité aux artistes. Mais elle ampute la fête de son aspect spontané. Depuis quelques années, d’autres évènements sont venus perturber l’organisation et en ont inévitablement modifié l’esprit. Les attentats terroristes qui ont touché la France ces dernières années ont par exemple contraint les organisateurs à multiplier les mesures de sécurité pour encadrer les concerts et les rassembler dans un espace restreint.

«Pour créer cette impression de spontanéité, il faut une bonne organisation derrière», concède Charitini Karakostaki. Exemple dans l’agglomération lyonnaise, où le cours Emile-Zola, qui fait la jonction entre Villeurbanne, capitale française de la culture en 2022, et Lyon, sera fermé à la circulation pour permettre la libre expression des musiciens amateurs. Ce «boulevard musical», long de 5 km, permettra peut-être de retrouver ce sentiment de spontanéité insufflé en 1982 par l’instigateur de la Fête de la musique, Jack Lang, présent pour l’occasion.

Après deux ans marqués par la pandémie, un vent de liberté souffle sur la Fête de la musique explique la sociologue: «Le public se réapproprie la Fête de la musique. Elle est toujours aussi populaire. Pour certains c’est la plus belle fête du monde, pour d’autres c’est comme un samedi soir, un prétexte pour une soirée sociale». Alors, comme parfois le samedi soir, on est déçus. La météo vient mettre son grain de sel, on se fait refouler d’un bar bondé… Mais le samedi suivant, on retente sa chance.


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